mardi 5 décembre 2006

Nouvelle donne au Moyen-Orient et dans les pays du Sud

L’Iran d’Ahmadinejad a beau proclamer qu’il a signé le traité de non prolifération et compte le respecter, il en est déjà à proposer aux « pays amis » de partager ses connaissances sur la technologie nucléaire avec eux.
Jusqu’à présent, la France a feint d’ignorer les conséquences en dehors des applications « civiles » de ces technologies, en gardant une attitude d’apaisement et de neutralité bienveillante.
L’Algérie maintenant ?
À l’instar de l’Iran, 4è producteur mondial de pétrole, quel besoin l’Algérie aurait-elle de se nucléariser ? Qu’en est-il exactement de l’Algérie ?
Ce grand producteur de gaz, qui fournit aujourd’hui 11% des besoins en gaz de l’Europe, couvrira 40% de ce marché en 2015.
En 2009, l’Algérie prévoit d’exporter de l’électricité vers l’Europe.
Les deux gazoducs qui relieront l’Algérie et l’Europe, Medgaz et Galsi, seront complétés chacun par la pose de lignes de communication en fibre optique et de câbles afin de transporter de l’électricité produite en Algérie vers le marché européen, selon le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil.
Ce discours sur le développement économique algérien prend toutefois une tonalité plus inquiétante depuis la nouvelle déclaration du petit Führer de Téhéran, au cours de laquelle le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré que son pays était prêt à partager avec Alger son expertise dans le domaine nucléaire.
Nouvelle donne
Une nouvelle carte du monde géopolitique est donc en train de se dessiner.
Au Moyen-orient, une volonté pan-islamiste dirigée par l’Iran étend sa zone d’influence avec l’aide de la Syrie, du Hezbollah au Sud-Liban, et du Hamas dans les territoires palestiniens.
Par ailleurs, le rapprochement Irano-Irakien est la cerise sur le gâteau : l’Iran émerge comme une puissance régionale incontournable. Et ce sont les Américains qui en font doublement les frais : ils y ont perdu plus de 2.000 hommes et investi près de 550 milliards de dollars en trois ans.
En Amérique du Sud, la gauche “progressiste” gagne du terrain et l’on voit l’avènement de nouveaux Castro au Venezuela, au Pérou, en Bolivie, en Equateur. La Colombie et surtout le Mexique sont également agités de graves soubresauts.
Un prêté pour un rendu: marché de dupes ?
De son côté, le Département d’Etat Américain semble manquer de cohérence. Il vient de lever les sanctions à l’encontre de l’avionneur russe Sukhoi, qui va pouvoir livrer 24 appareils pour constituer la nouvelle force aérienne vénézuélienne en remplacement de ses F-16. Mais peut-être cette décision n’est-elle pas étrangère à un marchandage: faisant suite à une déclaration de Sergei Lavrov qui allait jusqu’à soutenir vendredi dernier des sanctions contre l’Iran, le ministre russe de la défense, Sergei Ivanov, n’a-t-il pas demandé le 3 décembre à Téhéran de stopper son programme d’enrichissement d’uranium afin que des pourparlers puissent reprendre ?D’après les dernières informations qui ont filtré, Moscou serait prêt à se joindre aux sanctions préconisées par les autres membres des six réunis aujourd’hui 5 décembre à Paris, à l’exception toutefois du bannissement des déplacements pour les dignitaires iraniens, du gel des avoirs à l’étranger. Les Russes seraient toutefois d’accord pour que des mesures soient prises en vue d’empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires et des missiles balistiques, à condition, bien entendu, d’éviter toute mention de la centrale de Busheir: celle-ci n’est destinée qu’à des applications “civiles”...
Dans le même temps, le domaine sous la responsabilité de Condoleeza Rice subit de plus en plus d’assauts sur le plan intérieur pour sa politique en Irak. Les conclusions de la commission Baker/Hamilton préconisent l’ouverture d’un dialogue direct avec la Syrie et l’Iran à l’inverse des néo-conservateurs qui prônent la fermeté. Une question importante n’a pas encore reçu de réponse: la levée récente de sanctions concerne-t-elle aussi la société russe Rosoboronexport ? Le Département d’Etat ne précise pas s’il maintient sa décision prise à l’encontre de cette société, dans le cadre de “l’acte de non prolifération iranien” datant de 2000. L’industrie russe fait l’objet d’une demande de clarification sur l’exportation d’équipements vers l’Iran, frappés par une restriction en raison de leur “caractère lié à des armes de destruction massive”. [Jane’s Defence Industry Digest du 29.11.2006]
Et l’UE ?
En Europe, le Président Français a mis sur pieds une alliance avec les chefs des gouvernements Italien et Espagnol, pour un dialogue qui va dans un sens « apaisant », favorisant l’islamisme rampant, au contraire des positions de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, réalistes et bien décidés à y résister.
Le « dialogue » Nord-Sud risque fort de prendre une tournure résolument différente si, dans quelques années, devait s’instaurer un nouveau round de négociations avec des pays dont le régime se radicalise. Cela devient d’autant plus inquiétant si les Etats-Unis, tout comme l’UE, ne se préoccupent pas dès maintenant de les empêcher de se doter de vecteurs nucléaires capables d’atteindre à l’avenir Washington depuis Caracas et Paris depuis Alger. Cette menace risque de ne pas être utopique dans le cas où la seule réponse apportée à la nouvelle donne iranienne demeurait la politique de “l’apaisement”.
D’où l’importance fondamentale de l’attitude qu’il convient d’adopter face aux ambitions nucléaires d’Ahmadinejad. Cruciale pour notre avenir, elle est loin de ne concerner que le devenir de « l’entité sioniste »…
Albert CAPINO

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